
Je vais peut-être donner l'impression de me la jouer intello, mais ça ne me fait pas trop peur parce que de toutes façons, ça ne tiendrait pas longtemps, et puis c'est pour rire.
Pour mon travail, je passe beaucoup de temps en voiture, donc j'écoute la radio, par petits bouts, et il y avait une émission qui me faisait arriver immanquablement en retard après la pause de midi, c'était "Les papoux dans la tête" sur France-Culture (donc, voilà, j'écoute France-Culture des fois, mais pas seulement!).
Cette émission passait vers 13h30, durait peu de temps, mais je ne pouvais pas couper le contact avant la fin tellement c'était drôle, et subtil, et littéraire, et pas prise de tête malgré tout. Ce sont des auteurs, des acteurs, qui jouent avec les mots, font de petits exercices littéraires ludiques.
Et puis la politique "culturelle" de France-Culture (voilà un autre débat intéressant) l'a dé-quotidiennisée (je m'autorise les néologismes, c'est dimanche) et hebdomadairisée au dimanche midi.
Or, ce midi, j'avais décidé d'aller au marché à la recherche de grondins, au sujet desquels un article de Patrick avait aiguisé ma curiosité, et je suis tombée sur ce petit moment de bonheur que je vous fais partager, si ça vous tente.
Les participants devaient écrire une histoire commençant et se terminant par un vers en alexandrins de Corneille, et leur histoire devait aussi en inclure deux autres.
Vous pouvez écouter l'émission en la téléchargeant: vous cliquez sur écouter à partir d'ici.
Le vers obligatoire de début, c'était:
Et celui de fin:
Pour être son valet, je vous trouve honnête homme (extrait de L’Illusion comique)
On devait inclure:
Ah ! Pour être romain je n’en suis pas moins homme (extrait de Sertorius)
et
Les gens que vous tuez se portent assez bien. (extrait de Le menteur)
Forcément, des choses aussi brillamment écrites inspirent!
Eh bien pas forcément des choses arides ou ennuyeuses. Voilà ce qui en est sorti, et qui est du à Hélène Delavault. C'est un dialogue entre deux malfrats, en Italie.
Titre: Un costar pour un costaud
- Tu sais comme un soufflet touche un homme de cœur !
Paulo m’en colla un, hier soir, en pleine poire
Parce que je lui disais, pourtant avec douceur,
Que quant à la carrure, c’était pas une armoire
Mais tu sais comme on est dans les rues de Palerme
Les hommes de Sicile sont assez chatouilleux
Et ne se laissent pas titiller l’épiderme
Sur les sujets d’honneur par le moindre morveux
Ah ! Pour être romain je n’en suis pas moins homme
Et je lui ferai voir incessamment sous peu
Que l’on ne touche pas impunément ma pomme
Et que pour sa carcasse, aujourd’hui, y a le feu
- Les gens que vous tuez se portent assez bien
Vous êtes plutôt bon dans le genre matamore
Mais on a déjà vu, dans l’action, y a plus rien
Et que vos macchabées bien souvent, courent encore.
- Bon, ça va comme ça, l’intello de service, quand t’auras fini de parler en alexandrins, on pourra peut-être s’attaquer aux choses sérieuses ! Y a une cargaison de kalachnikovs qui arrive à Palerme demain soir, et j’ai besoin de trois types en forme dans les 23 heures avec Ricardo.
- Je suis son valet.
- Pour être son valet, je vous trouve honnête homme.
Il y avait aussi un texte de Jacques Jouet, je vous le copierai un autre jour, parce que là, il fait plus un temps à aller se balader en forêt qu'à rester plantée devant l'ordi.
Y a pas à dire, les vacances, c'est bien.