12 Octobre 2012
Si vous avez comme moi, la chance de passer par Toulouse ces jours-ci, il est urgent et indispensable de vous précipiter aux expositions organisées autour du Printemps de Septembre.
Comme je n'avais qu'une journée à y consacrer, j'ai privilégié l'expo des Abattoirs, le musée d'Art Contemporain de la ville,
dédiée à la photographie contemporaine, dans une dimension d'interrogation sur une lecture distanciée de notre histoire, sur la façon dont nous imaginons aujourd'hui ce que sera demain.
Passionnant, dès l'entrée, Mounir Fatmi, dans une vidéo intitulée "L'homme sans cheval" nous interroge sur notre rapport à notre propre histoire.
Pendant 10 minutes, un homme en tenue de cavalier donne des coups de pied rageurs dans un livre au titre apparent: "Histoire"
Il avance, déterminé, sans hésitation, sans retenue, dans un chemin boueux mais lumineux de sous-bois.
Pourquoi sans cheval et avec ce costume? Que représente cette monture manquante mais omniprésente, symbole de déplacement, d'un autre âge?
Sa colère, sa détermination dans l'intention destructrice, croissent jusqu'à l'anéantissement complet du livre, et le film s'arrête sur cette phrase "L'homme est le seul héros de sa propre histoire".
Efface-t-il ainsi l'histoire écrite pour tous? le cheval est-il symbole de ce qui portait? L'homme ayant choisi de s'en passer est-il dans ce manque de quelque chose qui, aussi, le libère?
Ce n'est que le début des questions que va poser tout ce parcours autour de l'image.
Voluspa Jarpa reprend des archives déclassifiées par les Etats-Unis, en rapport avec la dictature de Pinochet. Des centaines de volumes indéchiffrables pour le profane résument des faits dont on ne peut qu'imaginer la puissance destructrice.
Anselm Kiefer travaille sur les représentations symboliques de l'Allemagne nazie et cherche à comprendre comment la bête politique s'insinue en nous jusqu'à nous avilir - question Ô combien contemporaine -. Ses représentations des saluts fascistes peuvent choquer, interroger, ne laissent pas indifférents, nous forcent à nous questionner.
Gérard Rancinan revisite des oeuvres classiques avec un brin de dérision. Sommes-nous trop conditionnés aujourd'hui pour en avoir une lecture distanciée, objective? Quel jeu jouons-nous finalement?
Revus à l'aune du maquillage, du tatouage (vrai? faux?), de la chorégraphie, que nous dit la posture, la gestuelle contemporaine?
La démarche artistique a l'immense mérite de ne poser que des questions qu'elle laisse ouvertes.
Les oeuvres se succèdent ainsi, dérangeantes, interrogeant sans relâche des périodes différentes de notre histoire, même celles que nous pensions avoir bien réfléchies.
Des zones d'ombre subsistent et subsisteront toujours, que seuls les artistes peuvent se permettre de débusquer et de remettre en cause de cette façon.
L'accrochage adroit nous promène d'une période à l'autre de notre histoire, nous questionnant sans répit, sans faiblir.
On en ressort abasourdi, mais fermement décidé à penser la vie qui vient.
Le pari artistique est gagné.
Vraiment, si vous pouvez, courez-y, je ne vous ai pas tout raconté, loin de là, le meilleur reste à découvrir.
Un aperçu?
Sortez, respirez, pensez.