Nous sommes aujourd'hui le 1er décembre.
Ce voyage s'est terminé, d'après les cartes d'embarquement que j'ai conservées, le 13 août 2008.
Pourtant, il est toujours là, vivant, et je ne me lasse pas de le revisiter.
Chaque début d'écriture d'article est l'occasion de revoir un palais, une forteresse aux décors des mille et une
nuit, mais pas seulement.
C'est aussi un petit moment retrouvé de ces regards sur un enfant avec sa mère, cet instant fugitif où on ose lever les
yeux sur la femme qui nous fait face, dont on sait qu'on ne pourra rien lui dire. Barrière de la langue, immensité de la différence des cultures.
Mais là, nous sommes face à face, les milliers de kilomètres qui nous séparaient hier sont abolis, pour quelques
secondes, à peine.
Il est en notre pouvoir d'en faire quelque chose, ou rien.
Et parfois, la magie se produit, nous nous parlons. Ces femmes qui sont assujetties à des contraintes ancestrales, savent
que nous vivons les choses autrement, elles nous voient, la télévision est présente partout en Inde, elles imaginent quelque chose de notre liberté, qui est peut-être très différent de ce que
nous en pensons, nous. Image de femme face à une autre image de femme.
Et elles nous parlent, nous comprenons parfois un peu les mots, les yeus cherchent ceux de l'autre, de l'alter ego de
l'autre monde.
Nous imaginons leur vie, elles imaginent la nôtre.
Rien ne peut se dire... Et l'une d'entre elles ose tendre son bébé à Catherine, et me demander de les
photographier.
A travers cet enfant, à travers cet échange, des choses se sont passées, au-delà des mots, un message lancé comme une
bouteille à la mer, d'une civilisation à l'autre, et chacune repartira vers sa vie, chargée de sa propre histoire, mais enrichie de ce moment fugace.
Jodhpur, ville bleue, la suite bientôt.