Le monde, à travers sa cuisine surtout, mais aussi des voyages, et des idées.
1 Février 2012
Bien envie de vous parler de ce film parce qu'il est un peu inclassable, et déroutant. On connaît David Cronenberg pour ses films où la peinture de la société et des hommes jongle toujours entre la violence exprimée et celle qui se cache. Et souvent celle qui est occultée menace de surgir sous la forme la plus inattendue, avec un fond d'angoisse calculé et omniprésent.
Ce film-la a donc de quoi dérouter, costumes, ambiance feutrée, en grande partie basé sur le dialogue... Forcément, quand on prend comme thème la naissance de la psychanalyse, il est difficile d'éviter cette dimension.
Certains l'ont trouvé ennuyeux, trop verbeux ou surjoué de la part de Kiera Knightley. C'est vrai que la façon dont la trame des dialogues est construite emprunte beaucoup à l'écoute psychanalytique. Tout ce qui est dit, dans de longs dialogues intellectuels et posés, est le support implicite d'une violence qui ne peut s'exprimer, mais qui resurgit dans les actes.
La performance de Kiera Knightley à cet égard est remarquable. Personnellement, je ne l'avais vue que dans Pirate des Caraïbes, où on ne lui demande pas grand chose, il faut bien le dire. Ici, elle joue le rôle d'une jeune femme atteinte d'hystérie, version fin du XIXème siècle, c'est à dire donnant à voir une folie autodestructrice impossible à maîtriser, qui défigure la patiente, l'animalise. Le travail de composition est remarquable, il est évident qu'elle a consulté des traités sur la question et donne à voir quelque chose de très vraisemblable dans le contexte de folie marqué par l'époque et ses convenances sociales dans la haute bourgeoisie suisse et autrichienne.
Michaël Fassbender, en Carl Jung à l'abord froid et tout en maîtrise, qui succombe à l'appel de la chair mais s'empêtre dans une culpabilité torturante qui ne lui laisse pas de répit et le maintient dans une oscillation permanente entre désir et raison, est fascinant et drôle. Bon, ce n'est pas du burlesque, j'aime autant vous prévenir tout de suite, on n'est pas mort de rire! Mais les dialogues avec Viggo Mortensen dans le rôle de Freud sont eux aussi tout en subtilités et en humour glacial.
Bref, j'ai bien aimé, un film riche pour l'esprit, et qui donne envie de lire (ou de relire) Freud.
Pour ceux à qui cela donnerait envie de débuter dans cet exercice, ne vous lancez surtout pas dans "Naissance de la psychanalyse" ou dans "L'interprétation des rêves" dont les titres pourraient vous laisser croire (à tort) qu'ils sont faciles à lire. Je conseillerais plutôt "Psychopathologie de la vie quotidienne" ou "Cinq psychanalyses", plus abordables et qui vous immergent dans une pensée pourtant complexe et riche.