28 Août 2013
S'il y a une chose que j'aime particulièrement depuis que je tiens ce blog, c'est l'occasion qui m'est donnée de découvrir la richesse de nos régions et la passion des artisans qui les mettent en valeur, passion qu'ils sont heureux de nous faire partager!
Cette fois-ci, c'est dans le Cantal que je me suis retrouvée en compagnie de Pascale, Dorian, Alexandra, Manue et Silvia. Magnifique région, que je ne connaissais que très peu, et je n'avais jamais noté qu'on se trouvait là dans le seul département de France à avoir donné son nom à un fromage, ou alors c'est le contraire???
Le parcours de ces deux jours a été intense et passionnant, vous venez avec moi?
En plus c'est magnifique le Cantal!
Tellement fantastique que les vaches doivent fuir les paparazzi!
Alors, par quoi vais-je commencer à vous raconter ça? Ce séjour était tellement riche que j'ai du mal à mettre de l'ordre dans mes idées...
Essayons quand même!
Nous avons donc découvert la fabrication d'un fromage dont je ne dirais pas qu'il est injustement méconnu, mais il gagnerait à l'être bien davantage! Sa fabrication est, d'un bout à l'autre de la chaîne, l'objet de soins attentifs et d'une grande expertise technique.
Ce qui donne un résultat d'une saveur exceptionnelle et surtout très complexe et différenciée selon les artisans de la chaîne de fabrication.
Ce qui m'a frappée, au cours de la visite de la laiterie, c'est que les hommes qui y travaillent répètent des gestes d'artisan. Avec
les normes d'hygiène obligatoires et des
D'abord, évidemment, le lait!
Le lait qui entre dans la composition du Cantal AOP répond à des normes strictes pour obtenir lui aussi l'AOP Cantal.
Alexandra a tout noté, sa copine confirme.
Les frères Charreire, éleveurs, nous ont présenté leur troupeau, composé de Holschtein
et de Montbéliardes
dont ils privilégient le confort de vie. Avec une vache par hectare, elles ont de quoi se balader, et les frères Charreire les déplacent au cours de la journée pour organiser les zones où elles broutent, et permettre la repousse des diverses variétés qui font des prairies riches et variées en fleurs sur ce terroir volcanique fertile.
Ils ont constaté qu'une alimentation naturelle prolongeait la durée de vie des vaches de 5 ans environ par rapport à l'apport
d'ensilage (vous savez, ce fourrage stocké humide, ce sont les gros paquets emballés dans du plastique qu'on voit dans les champs). Par contre elles donnent moins de lait, mais il faut savoir ce
qu'on veut, et puis le goût s'en ressent, ainsi que celui du fromage en fin de chaîne!
Les veaux sont maintenus avec la mère pendant deux mois.
La traite se fait sur place, ce qui est moins stressant. Une machine à traire s'installe dans le champ et à l'heure de la traite, les
vaches s'en approchent tout naturellement.
chaque vache donne environ 20 litres de lait par jour pendant 300 jours. Ensuite, elles sont taries pour se reposer pendant deux mois.
Les génisses (vaches qui n'ont pas encore eu de veau) et les vaches allaitantes sont dans des pâturages en altitude. Ici, nous sommes à 1200 m.
Le lait est donc récolté deux fois par jour, traite matin et soir, réfrigéré à 4° dans un tank, et un camion de la laiterie vient le récupérer pendant la nuit.
Immédiatement, des prélèvements sont faits pour déceler toute trace d'antibiotiques (venant de vaches traitées pour des mammites, et
qui doivent être temporairement écartées de troupeau). Quand on constate une trace d'antibiotique, le lait est détruit et le producteur pénalisé.
On y va?
Deuxième étape: la transformation!
Il est étonnant de constater que le travail qui est fait ici à une échelle plus importante que chez les petits artisans fromagers
reproduit à l'identique les gestes traditionnels La mécanisation n'a pris que la place nécessaire à une production plus importante sans modifier les gestes d'origine.
Le lait arrive à la coopérative de Pierrefort, de la Fromagerie des Monts du Cantal, qui transforme le lait pasteurisé, alors qu'un autre site traite le lait cru.
Le lait arrive donc au petit matin dans les tanks, à 4° et est transféré en cuve de 10 000 litres
Il est pasteurisé, et en même temps, écrémé: 10% du lait part en crème, c'est-à-dire 1000 litres sur les 10 000 que contient la cuve. On descend ainsi de 35 à 30-32% de matière grasse. Puis on ajoute la présure et les ferments lactiques, et c'est parti!
Le brassage va durer une quinzaine de minutes, et à la fin, le caillé est formé!
Il va alors être séparé du lactosérum qui sera utilisé pour d'autres usages.
Le caillé est transféré dans cette grande cuve, et égoutté une première fois à travers un linge.
Puis des techniciens musclés vont le transférer dans les presses à l'aide de seaux, à un rythme qui nous a hypnotisés!
Cette quantité de caillé
va alors être pressée
puis la masse va être découpée et broyée, puis repressée, 5 fois de suite.
La masse aura alors perdu 90% de son poids, et on a ainsi obtenu la tomme fraîche. On peut l'utiliser sous cette forme pour
l'aligot ou la truffade.
Mais ici, elle va être moulée
(et encore pressée)
pour la fabrication du Cantal AOP.
Voilà les linges qui tapissent les moules,
et laissent des traces à la surface du fromage.
Mais j'anticipe!
A ce stade, ces pièces de fromage de 40 k, prêtes après un processus de 72 h
ne portent pas encore le nom de Cantal. Ce sont donc des fromages, donc la plaque signalétique précise la provenance, la date de fabrication, le lot. Elle est marron comme ici s'il
s'agit de lait pasteurisé, ou verte pour le lait cru.
Pour avoir le droit de s'appeler Cantal, il va maintenant être affiné!
Let's go!
L'affinage
Nous avons visité le tunnel d'affinage de St Poncy. Un tunnel de 200 m de long donc 180 aménagés pour l'affinage. On y conserve 2500
fromages qui ont été auparavant démarrés 60 jours en
cave.
J'ai trouvé l'endroit magnifique! C'est un tunnel ferroviaire désaffecté de l'ancienne ligne St Flour-Brioude. Il existe 5 caves de ce type sur la ligne. Depuis que la ligne a été désaffectée, dans les années 60, tous les fromagers ont eu cette idée, mais certaines portions de tunnel ne se prêtent pas à l'affinage; il faut que l'échange oxygène-ammoniaque se fasse au mieux pour que les conditions (que je ne vous détaillerai pas ici, trop technique pour moi) soient idéales.
C'est Patrice Tronche qui nous a reçus et nous a fait une démonstration des manipulations opérées sur le fromage. Chacun est frotté et retourné deux fois par semaine avec une toile de jute
pour obtenir cette belle croûte dorée et parsemée de petits boutons.
Comme vous avez bien suivi, vous savez qu'ici, on affine du fromage au lait cru ---> plaque verte!
Le lait cru donne des saveurs qui restent dans des notes herbacées, alors que la lait pasteurisé apporte un léger goût cuit-caramel, à
vous de choisir!
D'après un système d'appellation qui date de 2007, l'affinage du Cantal jeune dure entre 30 et 60
jours,
celui du Cantal entre-deux, entre 90 et 210 jours, et le Cantal Vieux est affiné plus de 240 jours. Pendant les périodes intermédiaires, il est entre deux appellations et ne peut être vendu aux consommateurs.
On reconnaît le vieillissement à l'épaisseur de la croûte. Vous avez ici de droite à gauche, un Cantal jeune, dont on
sent encore des petits grains en bouche à la dégustation, un Cantal entre-deux plus onctueux et aux arômes herbacés et floraux et un Cantal vieux, avec un
caractère plus marqué et long en bouche. Sur le Cantal Vieux s'installent les cirons, des acariens qui produisent une poussière caractéristique.
Le Cantal vieux qu'affine Patrice Tronche n'a pas moins de 365 jours et se nomme Haut-herbage. Pour les amateurs, vous pouvez le trouver en grande distribution, puisque Carrefour le commercialise sous cette appellation.
Actuellement se met en place le gradage: un système de critères de notation du goût, de l'aspect et de la texture dont le but est que les fromages acquièrent une qualité optimale. Les professionnels qui visitent les caves d'affinage, testent, évaluent, goûtent, se nomment les gradeurs, ils sont 3 sur la filière.
Nous en avons rencontré un, Fabien, qui malgré son très jeune âge (23 ans), a déjà acquis une expérience et un savoir-faire assez
impressionnants et est capable de parler de son métier avec une passion communicatrice! Le voilà ici (le 2 ème en partant de la droite) en notre compagnie lors du dernier repas de ce séjour
enchanteur!
Vous reconnaîtrez aussi de gauche à droite Alexandra, Gisèle qui a
merveilleusement organisé ce petit périple, Marie et Dorian, Pascale,
Manue, Silvia, Fabien donc, et Benjamin, deuxième organisateur hors-pair, qui connaît le Cantal comme
sa poche, des fleurs du bord des routes jusqu'aux détail empierrés des chemins de randonnées en altitude, une mine d'érudition!
J'ai encore plein de choses à vous raconter et de bonnes adresses à partager, donc rendez-vous pour le prochain épisode, très bientôt!