14 Juin 2010
Au Japon, Takeshi Kitano est d'abord connu comme une amuseur public. il anime des shows télé en se déguisant, dans un registre burlesque qui n'est pas sans référence aux cultures traditionnelles, mais semble constamment s'en amuser pour les détourner.
Je l'ai découvert au travers de films très différents, comme:
- Hana-Bi, très touchante dernière épopée d'un flic dont la femme est atteinte d'une maladie incurable et qui décide de lui offrir de derniers jours heureux et paisibles. Pour cela, il fait un casse... On y croise le désespoir face à un collègue qui tombe au cours d'une fusillade, le côté dérisoire de la mort des flics qui se battent pour défendre de causes auxquelles ils semblent avoir du mal à croire eux-mêmes
- L'été de Kikujiro, histoire d'un looser de quartier à qui on demande de ramener un enfant dans sa famille, moyennant rétribution. Il accepte, pensant s'emparer du magot de l'enfant, le jouer aux courses et abandonner le gamin. Et puis, une relation s'initie entre eux, et le film prend une toute autre tournure.
- Sonatine, film de yakuzas, gangsters japonais, avec des explosions de violence aussi saisissantes qu'inattendues et des images d'un esthétisme fugurant, posées là, avant une nouvelle vague de frissons dérangeants.
- Dolls, qui mèle trois histoires désespérées: un jeune couple détruit par l'ambition cariériste de la société japonaise, et qui se retrouve, en traversant le Japon à pieds au rythme du changement des saisons, privé du langage; un yakuza qui a quitté sa promise pour le milieu du crime et la retrouve, viellie mais toujours là sur la banc où ils se retrouvaient jeunes; et une jeune star de la chanson, estropiée dont un jeune fan reste éperdument amoureux.
... Et puis plein d'autres, plus violents, plus contemplatifs, plus empreints de délicatesse.
On peut tout à fait ne pas aimer, voire détester ça. Moi, je tombe sous le charme, tout en gardant une certaine réserve quand j'y pense vraiment. Mais la première impression, irréfléchie, je ne me lasse pas de l'éprouver. Alors je recommence.
Le dernier que j'ai vu, c'était Achille et la Tortue, histoire grotesque et terrible d'un homme qui ne rêve que de devenir un peintre reconnu mais se heurte à la médiocrité de sa production, malgré un travail acharné, une vocation sans autre objet. Il y sacrifie sa famille, son salut, il ne pense qu'à peindre depuis une enfance marquée par des suicides.
C'est à la fois dramatique et ridicule, poignant et burlesque.
A l'image de cette expo, à la fondation Cartier, jusqu'au 12 septembre 2010.
Kitano y expose toutes ses inventions, des machines délirantes, qui refont le monde à travers un imaginaire d'enfant. Et puis des peintures, à la facture intentionnellement naïves, mais qui révèlent des préoccupations pas si candides. Des à-plats de couleurs vives et, comme posés dessus, des personnages perdus là, qui tentent de se rejoindre, ne parviennent pas à se voir... avec des références au cubisme, mais repris sur un mode faussement innocent.
Bref, je trouve ça très riche. En aucun cas, on ne se prend la tête, c'est beaucoup de plaisir, de rires, on se retrouve gamin dans un univers de déguisement de fêtes de fin d'année, de grosses blagues, et puis, sur une pirouette, on quitte le lieu en se sentant un peu concerné par un monde enfantin qui n'est pas si loin et que Takeshi a su faire revivre.
Donc voilà, si vous avez envie d'aller passer un bon moment, faites un tour par là...