15 Avril 2013
Voilà une aventure passionnante et réjouissante qu'il fallait que je prenne le temps de vous raconter.
Attention, article fleuve!
Mon amie de (presque) toujours Marie-Hélène, qui vit dans cette région toulousaine où je rêve d'aller m'installer depuis quelques années, m'appelle en janvier:
" - Dis donc j'ai eu une idée et je me suis dit que ça t'intéresserait sûrement: si on demandait à Irène de nous apprendre à faire les foies gras en bocaux? Si elle est d'accord, on irait passer quelques jours dans le Gers... Si ça te tente, je suis disponible quelques jours en février, si elle l'est aussi, on s'organise?"
Irène est une personne charmante, à l'expérience culinaire à peu près exhaustive sur tout ce qui est typique du terroir gersois , et elle nous fait profiter de ses talents lors de fêtes mémorables du 15 août chaque année. Quelqu'un dont on sait qu'on aimerait apprendre, et qui semble vraiment prendre plaisir à transmettre tout ce qu'elle a expérimenté et amélioré au fil du temps.
Super idée, donc, à laquelle j'ai adhéré aussi sec. Dix minutes après, j'avais imprimé mes billets de train!
J'arrive donc à Toulouse fin février, et direction le Gers, avec deux autres acolytes aussi excitées que nous à l'idée de transformer le foie gras en petits pots pour cet hiver, et peut-être en plus, apprendre à préparer les confits!
Ce petit stage que je vous raconte là durera deux jours, pour la préparation et la cuisson des foies gras et des confits de canard, et la confection en prime de bocaux de pâté de porc.
L'arrivée nous surprend par les températures vraiment basses, ça descend à - 4° la nuit, le paysage est très différent de ce que
j'avais connu ici même en octobre quand j'étais venue pendant les vendanges (clic).
Mais c'est très beau aussi.
Premier jour:
- Première étape: direction le
marché au gras d'Eauze. La vente se fait en deux temps: à 9h30, les "carcasses", c'est à dire les oies ou les canards entiers mais débarassés
des foies gras, qui eux, sont vendus 1/2 heure plus tard dans une autre salle.
C'est la fin de la saison, les vendeurs sont peu nombreux.
Irène est avec nous, et elle va négocier sans pitié l'achat de nos canards, elle connaît les prix, non mais! Nous, on laisse faire, en toute confiance!
Nous voilà très fières de nos bêtes! Elles pèsent en moyenne 5,6 kgs chacune.
Et donc à 10 heures, on entre sur le marché aux foies dont tous attendent l'ouverture avec impatience!
On nous en a réservé douze, et des beaux!
Retour à la maison, au boulot!
Petite mise en forme (hors canard): Irène a demandé à un bon boucher qu'elle connaît de nous préparer de la chair à pâté. Nous ne le cuisinons donc pas, mais c'est l'occasion de s'initier à la technique de la mise en bocaux.
Il faut remplir les pots jusqu'à la base du pas de vis, pas au dessus, sinon ils déborderaient au cours de la cuisson. Ensuite, on nettoie soigneusement à l'éponge le pas de vis, intérieur et extérieur, puis on sèche au torchon.
On pose les capsules en les faisant bien adhérer, puis on visse les couvercles.
Ensuite, transfert dans la marmite de cuisson et là, attention! Les pots doivent être calés pour ne pas bouger quand ils vont bouillir, donc on remplit les interstices avec des torchons, et puis ensuite des pierres, de morceaux de tuile... ce dont on dispose, quoi!
On recouvre les pots d'eau, on met un couvercle, et c'est parti pour trois heures de cuissson à frémissement.
Ensuite, on laisse le tout refroidir avant de sortir les pots.
On dévisse alors les couvercles, car de l'eau s'est infiltrée dessous pendant la cuisson. Il faut donc les essuyer et refermer le tout
une dernière fois, avant de les stocker au frais et dans le noir.
Pendant que ça cuit, on s'occupe des foies!
Préparation des foies gras en conserve:
Première étape: déveiner. On sépare les deux lobes, on saisit la partie la plus visible de la veine, et on la suit en tirant dessus assez délicatement, en ouvrant le foie avec un petit couteau tout le long.
Quand je le fais habituellement, je retire jusqu'au plus petites ramifications des veines, quite à finir avec un foie gras un peu
destroy. Pas grave, de toutes façons, à la cuisson, il s'agglomère de nouveau. Mais de l'avis d'Irène, ce n'est pas la peine, il suffit de retirer la plus grosse veine, d'ailleurs auparavant cela
ne se faisait pas du tout.
Deuxième étape: assaisonner. On a fait au plus simple, sans alcool. On peut ajouter un peu de
Cognac ou d'Armagnac selon les goûts
On met du sel et du poivre noir en grains au fond des bocaux.
puis on masse les foies avec sel et poivre moulu, en quantité assez généreuse.
Et hop, dans le bocal, en tassant un peu si nécessaire.
Avec un foie gras de 500 à 600 grammes, on remplit un gros bocal de 500 grammes et un petit de 350 grammes.
Et comme pour le pâté, nettoyage du pas de vis, mise en place des capsules, puis des couvercles.
De la même façon, on les place dans le stérilisateur en les calant bien, on couvre d'eau.
On cuit les petits bocaux 1 heure 15 à partir de l'ébulltion et à frémissement, et 1 heure 30 pour les bocaux de 500 grammes.
Après un repas de midi rapide, l'impatience d'attaquer le gros du travail étant là, on passe à la découpe du canard!
Je pense que je ne me relancerai pas là-dedans toute seule avant de l'avoir refait une fois avec Irène, c'est très
technique!
Irène a apporté ses outils: toile cirée, couteaux, et un sécateur! But why???
Vous allez comprendre! A partir de là, âmes sensibles s'abstenir...
On commence par couper la partie supérieure du bec du canard, et c'est costaud!
Puis on tranche transversalement la tête. On voit que celui-là a été gavé au maïs jusqu'au dernier moment! Quoique... Irène nous explique que cela peut être trompeur, certains n'hésitant pas à mettre quelques grains de maïs dans le gosier du canard comme gage de qualité...
On dépose donc ensuite la partie basse du bec, qui sera consommée grillée au feu de bois, puisqu'elle contient aussi les joues et la
langue. On nettoie bien tous les cartilages, on retire le voile du palais.
On va très vite s'apercevoir que dans le canard, c'est comme dans le cochon, pratiquement tout se consomme!
Après brûlage des dernières éventuelles petites plumes,
on découpe les bouts des ailes, que l'on casse au sécateur pour les stocker plus facilement
Et on passe aux choses sérieuses!
Découpage du manchon de graisse qui entoure la trachée et l'oesophage.
On le retire en tirant dessus vers la tête.
puis on coupe le cou au plus près de la carcasse.
Ensuite, découpage le long de l'arête dorsale, comme pour un poulet, en glissant le long des côtes. Jusque là, pas de problème!
On laisse les aiguillettes sur la carcasse.
C'est ce qu'on appelle dans le sud-ouest les "demoiselles": les carcasses encore
garnies des aiguillettes, que l'on grille au feu de bois et qu'on déguste avec des patates sautées cuites dans la graisse de canard, bien sûr! Slurp anticipé!
Puis on place le canard verticalement tête en haut, afin de le débarasser de ce qu'on appelle le "paletot", appellation imagée! :D, c'est à dire la totalité de la chair en un seul morceau, incluant les cuisses et les magrets, et toute la graisse.
Vers le bas du dos, les cartilages rendent la découpe un peu plus difficile, cela résiste et il faut casser les cartilages en forçant.
Je n'ai pas photographié cette étape malheureusement, (j'avais un peu les mains dans le gras jusqu'au coude et l'appareil n'aurait pas aimé) mais il faut ensuite vider la carcasse des viscères en faisant attention de ne pas endommager l'intestin et le fiel qui rendrait tout très amer. Il faut également débarasser l'intestin de la graisse qui l'entoure, et on récupère toute la graisse! C'est pour cette raison qu'il ne faut pas le percer, il contaminerait la graisse qui servira à la cuisson des confits.
En cas d'accident, laver les parties salies.
Voilà donc le paletot une fois le canard deshabillé:
Et nos quatre canards une fois la découpe terminée.
Nous allons ensuite découper chaque paletot autour des cuisses et des magrets, et donc récupérer toute la graisse qui entoure la
chair.
La voilà! On va la hâcher maintenant, grâce à ce magnifique ustensile qui a du en voir passer quelques centaines de kilos!
Cette graisse hachée servira à la cuisson des confits.
Pour terminer cette première journée, salage au gros sel des magrets (ailes) et des confits, on les empile dans le stérilisateur et on les laisse toute la nuit au frais.
On a donc stocké la marmite sur un balcon à l'étage, c'était parfait, parce que je vous le rappelle, ça caillait!
Deuxième jour:
Un petit tour dehors, au petit matin, autour des vignes fraîchement taillées, et on y retourne!
On attaque la cuisson!
Tout le gras haché est mis dans une grande bassine, à chauffer sur un trépied, il fond doucement,
pendant qu'on rince les cous, les ailes et les cuisses, et qu'on les sèche sur des torchons.
Nous avons utilisé tout le stock de torchon du maître des lieux qui nous prêtait gentiment sa maison transformée en atelier culinaire pour deux jours!
On plonge tout ça délicatement dans la bassine.
Cela va rendre encore du gras, forcément, et on remue avec un grand bâton de temps en temps pour que la cuisson soit uniforme.
La cuisson va durer environ une heure trente, en bouillant doucement.
On vérifie en plantant une fourchette que le sang ne perle plus.
et on met en bocaux: une cuisse et un magret dans chaque bocal,
que l'on remplit de graisse.
Quand tous les morceaux sont sortis de la graisse, on la filtre
et ce qui reste, ce sont les grâtons, que l'on met aussi en bocaux.
Ce sont les résidus de graisse. Cela ne sonne pas très glamour comme ça, mais Irène nous certifie que tartinés sur une tranche de baguette et passés au four sous le gril, c'est un délice. Rien qu'à sa mine quand elle en parle, j'ai envie de la croire!
Et donc, même exercice de fermeture des bocaux, et stérilisation pendant trente minutes.
ET VOILA!!!!
Notre production sur deux jours!
Il faudra attendre 3 mois minimum pour déguster les pâtés, et 6 mois pour les foies gras et les confits, afin qu'ils terminent leur maturation et développent leur arômes de manière optimale.
Encore un grand merci à Christian pour le prêt de la maison et la mise à disposition de son immense cuisine, et à Irène pour son précieux savoir-faire, sa gentillesse et sa pédagogie aiguisée! Elle nous a proposé de revenir l'année prochaine pour le stage de perfectionnement, ce sera avec joie!